Pyrénées - 11 décembre 2018

Rencontre avec un éleveur d’agneau de lait des Pyrénées IGP et Label Rouge

J’ai voulu faire découvrir à mes enfants le métier d’éleveur d’agneaux, un métier de passion qu’exercent plusieurs centaines de bergers dans notre région. Direction Assouste en Vallée d’Ossau où Stéphane Courtié nous reçoit dans sa bergerie.

Les Pyrénées-Atlantiques comptent près de 2000 éleveurs ovins lait, producteurs de lait et d’agneaux de lait. Ce métier de tradition et de passion est totalement ancré dans notre territoire et nos racines. Cette synergie entre le territoire et l’animal contribue aujourd’hui grandement à l’économie de la région et aussi à l’équilibre de la biodiversité et du paysage de nos campagnes. La brebis est un animal aux multiples services, qui fournit du lait, fromage, agneaux, cuir, laine… Elle valorise des espaces souvent pentus et à faible potentiel agricole. Les brebis sont indispensables à l’aménagement du territoire Pyrénéen et à son maintien, c’est aussi elles qui assurent le ski par l’entretien du sol pendant l’été.

J’ai voulu mettre en lumière ce savoir-faire qui nous entoure et le faire découvrir à mes enfants. Nous sommes allés à la rencontre de Stéphane Courtier, éleveur en Vallée d’Ossau à Assouste. Il fait partie de la filière Agneau de Lait des Pyrénées IGP et Label Rouge, qui réunit 750 éleveurs dans les Pyrénées-Atlantiques, répartis entre le Pays basque et le Béarn. Cette filière est un vrai gage de qualité qui garantit l’origine du produit en officialisant une démarche IGP (Indication Géographique Protégée), basée sur le savoir-faire des éleveurs du Pays basque et du Béarn, ainsi qu’un Label rouge, garantissant une qualité d’élevage et de viande supérieure.

Nous avons rencontré Stéphane fin octobre, pour les bergers, c’est la pleine période d’agnelage. Nous étions très excités à l’idée que nous aurions peut-être la joie de voir une naissance d’agneaux en direct… Et nous avons eu en effet cette chance incroyable de voir naître deux petits agneaux en pleine nature au milieu d’un champs ! Tout juste arrivés, Stéphane nous annonce qu’une naissance est en train de se faire dans le champ d’à côté, sans perdre une minute nous le suivons à grandes enjambées !

Stéphane, le berger, n’intervient pas pendant l’agnelage, il laisse la brebis tranquille, c’est elle qui choisit l’endroit où elle mettra bas et Stéphane surveille de loin que tout se passe bien. Nous avons observé la scène en toute discrétion, c’est toujours beaucoup d’émotion de voir un bébé prendre vie. Les enfants ont posé beaucoup de questions techniques et ont eu droit à un petit cours d’anatomie notamment sur le rôle du placenta et de la poche des eaux. La brebis lèche l’agneau pour lui déposer son odeur et ainsi permettre d’identifier et reconnaître son agneau parmi les autres. Ensuite elle lui donne des petits coups de sabots pour le forcer à se lever.

C’est complètement hallucinant de voir l’agneau se lever et marcher quelques secondes à peine après être sorti du ventre de sa mère ! Les premiers pas se font sous nos regards admiratifs et remplis d’émotion.

Je retiendrais une scène qui m’a beaucoup marqué : Stéphane, le berger, a ensuite pris par les pattes les agneaux pour les remonter à l’abris avec leur mère dans la bergerie. Les nouveaux nés pourraient en effet se faire manger en deux deux par un renard ou un loup. La brebis qui montrait pourtant des signes d’agressivité quelques secondes avant face au chien qui s’approchait trop près de ses agneaux, a suivi le berger qui tenait par la main ses deux agneaux sans manifester aucun sentiment négatif. Elle semblait vraiment faire confiance au berger et à son acte. C’était pour moi clairement un signe évocateur d’une relation de confiance entre la brebis et le berger.

Avec l’IGP l’agneau doit être exclusivement alimenté par tétée au pis de sa mère. Aucun complément alimentaire lui est administré, ni antibiotique ni substance hormonale.

Une fois dans la bergerie, on retrouve la brebis et ses petits à côté des autres jeunes mères et de leurs agneaux. Le troupeau de Stéphane compte 200 brebis, cette semaine-là, les brebis ont donné naissance à une trentaine d’agneaux. Au milieu de cette nurserie nous avons posé beaucoup de questions au berger et avons appris beaucoup de choses. Voici ci-dessous quelques retransmissions d’échanges que nous avons eu avec Stéphane Courtier.

NOS QUESTIONS AU BERGER STÉPHANE COURTIÉ

Comment on en vient à faire ce métier ?
C’est un métier qui se passe souvent de génération en génération, on récupère l’exploitation de sa famille. Pour ma part, j’ai baigné dedans depuis tout petit. J’ai vu mes grands-parents et arrière-grands parents s’occuper des bêtes, j’ai soigné les brebis depuis tout petit avec eux, j’ai ça dans le sang et je ne me voyais pas faire autre chose.

Vous vivez au rythme du troupeau de brebis, pouvez-vous nous retracer la vie d’une brebis (et par conséquent la vôtre) sur une année ?
Il y a une vraie distinction des conditions de vie et travail sur une année, entre l’hiver et l’été. De juin à septembre les brebis montent en estive et pâturent dans les hauts alpages pyrénéens, profitant ainsi de riches pâtures et d’un environnement d’une pureté remarquable. Pour nous bergers, c’est la période la plus agréable (quand il fait beau), on profite des grands espaces. Mais nos conditions de vie sont plus spartiates, nous dormons dans une cabane en altitude souvent isolée. À l’automne les brebis descendent au chaud dans la bergerie pour y passer l’hiver et pâturent dans les vallées à proximité, l’herbe ayant eu le temps de pousser pendant l’été. L’automne est la période d’agnelage, les brebis mettent bas. Nous élevons alors les agneaux sur une période de 15 à 45 jours avant de les commercialiser. Durant toute l’année notre principale mission est de soigner les brebis et les traire au quotidien pour la fabrication du fromage.

Tous les éleveurs d’agneaux fabriquent aussi du fromage ou vendent du lait de brebis ?
Tous ne fabriquent pas du fromage, certains livrent du lait à la laiterie sans fabriquer. Mais le fromage est ce qui nous rapporte le plus et ce qui nous fait vivre. La commercialisation des agneaux ne rapporte pas grand-chose, d’autant plus que le prix au kilo fluctue beaucoup et on doit subir cela ! La vente de lait de brebis ne rapporte pas non plus beaucoup, nous préférons le garder pour fabriquer nos fromages.

Quelle est la partie la plus difficile de votre métier ?
Berger n’est pas un métier facile. C’est un métier très physique qui met le corps à rude épreuve. Nous sommes complètement dépendants des conditions météorologiques, et quand on passe des périodes de pluie, froid et tempête il faut être solide pour tenir ! Traire les brebis dans la gadoue ou faire avancer un troupeau dans la tempête est assez ingrat. Il n’y a aucun répit non plus dans ce métier, on ne peut pas se permettre un matin de ne pas se lever pour aller nourrir les brebis. Enfin, on n’en parle pas beaucoup, c’est assez tabou, mais le facteur solitude est très présent dans ce métier.

Quel est l’aspect le plus agréable et plaisant de votre métier ?
L’environnement ! Sans aucun doute. Être en pleine montagne au milieu de ses animaux est un pur plaisir. Il y a trois conditions indispensables pour faire ce métier : aimer la nature, aimer les bêtes et aimer le travail dans cet environnement.

Parlez-nous de la filière IGP Agneau de lait, qu’est-ce que cela signifie ?
La viande avait déjà un critère de qualité avec le Label Rouge depuis 1992, et depuis 2012, l’IGP qui signifie « Indication Géographique Protégée » protège la dénomination de vente « Agneau de lait des Pyrénées » sur tout le territoire européen. C’est une garantie de la qualité, réputation et caractéristiques d’un produit lié à son origine géographique et à un savoir-faire ancestral.

Est-ce vous qui décidez de vous engager dans cette démarche IGP Agneau de lait des Pyrénées ?
Absolument ! Nous sommes de nombreux éleveurs ici à y être engagés. À vrai dire cela ne représente aucun changement contraignant pour nous éleveurs dans notre façon de faire, car le cahier des charges s’appuie sur un savoir-faire ancestral que nous respectons tous. C’est notre éthique et conviction dès le départ. On aurait tort de ne pas faire partie de cette filière qui donne de la reconnaissance et valeur à notre travail et nos produits. C’est aussi pour nous un gage de sécurité sur différents postes, comme par exemple sur les conditions d’abattage, car la filière effectue de nombreux contrôles.

Quel est le cahier des charges imposé par le label IGP Agneau de lait des Pyrénées ?
Les agneaux doivent être nés dans le département des Pyrénées-Atlantiques, être issus de races locales (Manech Tête Rousse, Manech Tête Noire, Basco-Béarnaise). L’agneau doit être exclusivement alimenté par tétée au pis de sa mère. Aucun complément alimentaire lui est administré, ni antibiotique ni substance hormonale. Il y a encore d’autres exigences, comme l’alimentation des brebis constituée majoritairement de pâture et fourrage (foin), la durée du pâturage de huit mois minimum, le confort des animaux…

La différence se fait vraiment ressentir sur la viande ?
Absolument, la chair est beaucoup plus tendre et son goût particulièrement léger.

Quel conseil donner au consommateur qui veut acheter de l’agneau de qualité ?
Le premier conseil que je donnerai est d’acheter la viande en France car les normes ne sont pas du tout les mêmes en Espagne par exemple. On peut prendre soin d’élever nos agneaux de la meilleure façon, si nos acheteurs sont espagnols, ils vont malheureusement faire grossir nos agneaux dans des conditions d’élevages autres et la viande sera commercialisée en ayant perdu en route nos critères de qualité et le label IGP ! Ensuite référerez-vous toujours à la mention Label Rouge et IGP Agneau de lait des Pyrénées.

J’ai vu mes grands-parents et arrière-grands parents s’occuper des bêtes, j’ai soigné les brebis depuis tout petit avec eux, j’ai ça dans le sang et je ne me voyais pas faire autre chose.

Est-ce que vous ouvrez vos portes aux gens qui comme nous souhaitent venir découvrir votre activité et échanger avec vous ?
La plupart des bergers vendent leurs fromages à la bergerie. Les clients veulent acheter directement au producteur et c’est aussi très agréable pour nous de faire découvrir notre métier. Bien-sûr les gens peuvent venir nous voir, nous sommes ouverts au public, mais c’est vrai que nous avons tous du mal à s’imposer des horaires d’ouverture pour la vente des fromages, nous sommes très occupés avec les animaux qui eux n’ont pas d’horaires. Alors ne vous étonnez pas si parfois on est juste pas dispo au moment où vous passez…
Les bergers font de plus en plus de visites organisées pour les scolaires ou groupes de vacanciers. Rapprochez-vous du site de l’Office de Tourisme de la Vallée d’Ossau qui saura vous orienter pour ce type de visite.

Merci beaucoup Stéphane !


Je voudrais terminer en précisant que j’ai bien conscience que ce reportage peut déranger certaines personnes qui ne mangent pas de viande mais j’ai justement voulu mettre en lumière ce sujet pour sensibiliser ceux qui, comme moi, mangent et aiment la viande. Partager un poulet dominical ou l’agneau pascal à Pâques en famille fait partie de mes valeurs et traditions dont je ne souhaite pas me passer. Découvrir la vie de l’animal et ses conditions d’élevage est une première étape pour se responsabiliser face à sa consommation de viande. Il est important pour moi d’expliquer cela à mes enfants dès le plus jeune âge. Les enfants doivent savoir ce qu’ils mangent dans leur assiette. Loin de moi non plus l’idée de vous pousser à une alimentation vegan, mais s’intéresser à l’animal en l’observant dans sa vraie vie avant d’être commercialisé permet d’être beaucoup plus consciencieux face à sa consommation de viande. L’idée c’est de consommer plus raisonnablement, de manger moins de viande et quand on en mange, privilégier un produit de qualité, local, dont on sait que les conditions d’élevage se soucient du bien-être animal et par conséquent de notre santé.


Photos ©Damien Dohmen

Kindabreak

  1. Chenotti dit :

    Pauvres bêtes! Elles seront «  assassinées » les unes devant les autres par des gens peu scrupuleux juste après avoir ête «  arrachées «  à leur maman. Stop à ce massacre de petits être vivants sans défense au nom d’une religion, laissons les vivre!

  2. Delphine dit :

    Sans être aussi virulente que la personne du dessus, et tout en faisant un effort pour respecter et comprendre les traditions, si votre souhait est de vous responsabiliser par rapport à la consommation de viande (ce qui est déjà super, 99% des gens ne le font pas !) pourquoi ne pas avoir poussé l’expérience jusqu’au bout en assistant à l’abbattage des agneaux? Il est sûrement compliqué d’accéder aux abbatoirs, mais vous pourriez expliquer le processus à vos enfants grâce à des vidéos YouTube. Vos belles photos pleines de tendresse ne montrent pas cet aspect qui est pourtant le but. Vous dites vous même dans votre reportage que la mère défend et suis ses petits, il y a donc un lien d’attachement entre les deux, et j’ai vraiment du mal à imaginer que ce processus se fasse sans souffrance physique ou « mentale ». Ces souffrances valent-elles le plaisir que vous retrouver dans votre assiette?

    1. Kinda Break dit :

      Il est impossible de visiter les abattoirs et encore moins avec les enfants et ça parait logique. Pourquoi montrer ça aux enfants ? Je ne comprends pas trop l’interêt… ils mangent de la viande, ils ont vu l’animal en vie et savent que l’animal a dû être tué pour finir dans l’assiette. Quel interêt de leur montrer des images à l’abattoir ? Je crois qu’ils seraient autant écoeurés si on leur montrait le nombre d’ingrédients chimiques dans la fabrication de leurs bonbons ou gâteaux préférés. Mais si ça peut vous rassurer ils ont déjà vu leurs grands-parents tuer les canards et les poulets pour ensuite les plumer et les manger. Moi aussi d’ailleurs, petite, j’allais à la ferme en immersion et je voyais les fermiers tuer les poules et ensuite je les plumais avec eux. Et non, cela ne m’a jamais dissuadé de manger de la viande ou du poulet pour autant. Ça fait partie de la vie et de la chaîne alimentaire et cela m’a montré que ça n’empêche pas pour autant de prendre soin d’eux et leur offrir une belle vie avant de les tuer et ensuite d’apprécier un bon poulet dont on sait que l’on a pris soin de lui et de ses conditions de vie avant de finir dans l’assiette.
      Que dîtes-vous à votre chat qui va jouer avec une souris pendant des heures avant de finir par la manger ? N’avez-vous jamais écrasé une grosse araignée dans votre chambre juste parce qu’elle vous fait peur et que vous la trouvez moche ? Il faut respecter tout le monde sur ce sujet. Je comprends que certains ne veuillent pas manger de viande, et je respecte leur choix. Mais comprenez que pour d’autres, manger de la viande est un besoin et un droit. C’est très bien que les gens respectent autant les animaux mais peut-être ces mêmes gens devraient aussi commencer par respecter l’être humain dans toutes ces différences et disparités, or c’est souvent ces mêmes gens qui sont les plus virulents et irrespectueux sur les réseaux à ce sujet (je ne parle pas de vous). Il y a sans doute mieux à faire aujourd’hui pour souder les êtres humains dans la société actuelle que de tenir sans cesse des discours moralisateurs et culpabilisants sur à peu près tous les sujets de consommation, et c’est en faisant cela que l’on creuse encore plus les inégalités, les oppositions et les tensions entre les gens. Tous autant que nous sommes, nous avons les même ancêtres et ils mangeaient tous de la viande. Respectons nous.

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